Enfant, j’entendais parler de « Saint-Germain ». Par mon père. Mais de loin. D’abord parce que nous étions complètement à l’Ouest – quelle idée d’habiter porte Maillot ? Et parce qu’il remontait loin, très loin dans sa mémoire, lorsqu’il nous racontait « son » quartier d’étudiant. Le Tabou, Le Bilboquet, les virées en Lambretta, les caves à jazz et les greniers bohème, tout y passait pour raviver ses souvenirs.
Alors j’y suis allé, forcément. Histoire de voir si, oui ou non, à l’ombre de l’église, il y avait un après à Saint-Germain-des-Prés. Légitime question lancée par la grande Juliette ou querelle de clocher ? Qu’importe. Car l’essentiel avec ce village, m’a-t-il semblé d’emblée, c’était bien sûr d’y être. Mais surtout d’en être. Aussi,
je me suis lancé. J’ai sillonné ses rues, fréquenté ses cafés, et même sous-loué illégalement un deux-pièces rue Férou – avant d’être démasqué. N’est pas Athos qui veut : c’était surjoué.
Et puis, par un beau jour de 1994, c’est arrivé. Pour la première fois, j’avais rendez-vous dans une maison d’édition – j’y suis toujours. Sorti du métro, j’ai traversé la fameuse place et j’ai marché, ébloui, jusqu’au 188, boulevard Saint-Germain. L’escalier de l’immeuble fleurait bon l’encaustique, le tapis, le salpêtre. Mais surtout, surtout, il embaumait ce parfum si typique des environs : les livres. Les auteurs. Les artistes. La « confrérie secrète ». Coup de sonnette. Enfin le « Saint-Germain » de mon père allait m’ouvrir sa porte. Enfin, j’allais le vivre, le ressentir. Le voir en vrai, le voir de près.
François d’Epenoux
François d’Epenoux est l’auteur de 13 romans, dont Deux jours à tuer, adapté au cinéma par Jean Becker.