En ce mois de janvier 1804, Bonaparte est inquiet, il pense et repense à une phrase d’un rapport secret de Fouché, son ministre de la police : « l’air est plein de poignards ». Une menace qui pèse directement sur sa vie. En effet, alors que Bonaparte songe à devenir Napoléon, jamais ses opposants n’ont été aussi déterminés, surtout les royalistes. Car, si Bonaparte devient empereur, c’en est fini de leur rêve de revoir la royauté légitime sur le trône de France. Déjà en 1800, ils avaient raté de peu leur cible, faisant exploser une bombe sur le passage du carrosse de Bonaparte, qui en était sorti miraculeusement indemne. Parmi les conjurés, un homme cristallise toutes les enquêtes, Cadoudal, un jeune Vendéen, héroïque et romanesque, prêt à tout pour arrêter Bonaparte sur le chemin de l’Empire. De son bureau, sur les quais de Seine, Fouché surveille étroitement le faubourg Saint-Germain, comme on l’appelle alors, car c’est là que se cache Cadoudal, insaisissable et dangereux. Du Panthéon aux Invalides, on fouille, on traque… en vain. Jusqu’à ce matin du 9 mars où une information tombe : Cadoudal, trahi par sa corpulence, vient d’être repéré. Il se dirige en cabriolet vers la place de l’Odéon. Deux inspecteurs le prennent en filature, Carniolle et Buffet. Le cabriolet va à un train d’enfer dans les petites rues du quartier Latin. De peur de perdre sa proie, Carniolle se jette sur la voiture qui l’emporte sur le pavé. Dans le quartier, c’est la stupéfaction. On entend des cris, des menaces, des coups de fouet. Derrière leurs fenêtres, les Germanopratins, ébahis, suivent la course poursuite. Rue de la Harpe, rue Monsieur le Prince, rue Voltaire, c’est là qu’un des inspecteurs, Buffet, parvient enfin à s’agripper aux chevaux et à ralentir leur course. Geste courageux, mais mortel, Cadoudal jaillit de la voiture et l’abat d’un coup de pistolet, puis s’enfuit à pied, tirant à tout va sur ses poursuivants. Aussitôt, c’est la panique. On crie, on fuit. La poursuite s’engage rue de l’École-de-Médecine. Des badauds tentent d’arrêter l’homme le plus recherché de France tandis que l’inspecteur Carniolle court à perdre haleine. Distancé, il tente un dernier moyen : il jette sa canne dans les pieds de Cadoudal qui trébuche et roule à terre, perdant son pistolet, au niveau du carrefour de l’Odéon.Aussitôt c’est la curée, des passants se précipitent qui veulent lyncher le chef vendéen. Carniolle a toutes les peines du monde à sauver la vie de son prisonnier.
Un simple sursis.
Cadoudal est guillotiné, en place de Grèves, le 25 juin 1804. Il avait 33 ans.
Cinq mois plus tard, Napoléon est sacré Empereur.
Jean Acacio