Il y a 10 ans, déjà installée à Saint-Germain-des-Prés, Carole Fernandez me parle de son projet. Elle voudrait lancer un magazine vivant, beau, qui crée du liant dans le quartier, mette l’accent sur ce lifestyle si particulier du cœur battant de Paris. La capitale est pleine de ces gens velléitaires qui ont des rêves sans les réaliser. Faut-il vraiment croire Carole ? Elle me dit « attends de voir ». Quelques mois plus tard, le magazine Cerise, avec un C comme Carole, voit le jour. Il est beau, il est singulier, il est gratuit et attrayant comme une journée d’été qui s’étire. Avec lui on apprend. Les artisans et les créateurs s’y présentent, les restaurateurs y déploient leurs spécialités, les rendez-vous culturels s’y étalent comme la meilleure des confitures à déguster. Nous voici bluffés et la blonde directrice de la rédaction n’en est même pas décoiffée. Avec le temps cependant, l’ouvrage prend de l’ampleur tout comme sa notoriété qui ne connaît pas la décroissance. Carole vit alors des bouclages épiques. Les jours juste avant que les textes ne partent à l’imprimerie, son téléphone est sur messagerie, son visage gagne en gravité. « C’est un travail, tu n’imagines pas, toi ! » dit-elle. Mais on fait mieux qu’imaginer puisqu’on voit toujours le résultat. Des couvertures colorées, une équipe de professionnels derrière elle, qui connait sa partition à la virgule près. Et pour récompense, dans la rue, des partenaires reconnaissants qui encouragent la publication. Dix ans plus tard, les C conjugués de Carole et Cerise sont devenus des sésames enchantés. Et le titre, jusque-là obscur – c’est vrai, quoi, pourquoi un nom de fruit ? – a pris tout son sens. Sur le gâteau des enfants gâtés de la Rive Gauche… le magazine est vraiment devenu la cerise qui manquait.
Séverine Servat