Mais quel est donc ce moment de l’année où vous faites des courses à trois chiffres chez Hédonie pour être certain de manger sain, où soudain vous jetez un œil intéressé aux pistes cyclables contre lesquelles vous pestiez il y a peu encore ?
Ce point de bascule existentiel où vous envisagez de reprendre le tennis sur les cours rénovés du jardin du Luxembourg, où vous coupez dans votre budget apéro-saucisson pour investir dans un coach sportif quand vous n’envisagez pas de claquer un treizième mois pour un abonnement à la piscine du Lutetia ? À moins qu’on ne vous voit discrètement sortir d’une séance de palper-rouler ou d’une initiation au Miha Bodytec, méthode de musculation par électrostimulation qui vous promet de faire quatre heures de sport en vingt minutes ?
Eh bien c’est l’été.
D’un côté, vous voici profitant des bienfaits du soleil, du plaisir sensuel de revoir des peaux, d’un autre vous voici peut-être confronté au pesant constat de l’extrême urgence d’une remise à niveau. Car las, pour peu que vous ayez un peu chargé la barque à la saison passée à coup de livraisons Deliveroo, de bons vins et d’activité modérée consistant au soulever de télécommande pour faire un arrêt image Netflix le temps d’aller chercher un pot de glace en cuisine… Vous aurez à lutter. Pour récupérer votre silhouette essentiellement.
Dans ce cas, un conseil. Si les dommages causés par votre insouciance ne sont pas de nature à être corrigés en deux mois, gardez vos économies, et reprenez l’apéro illico. Mais adaptez juste votre discours. À Saint-Germain-des-Prés, vous avez de la chance, vous n’êtes pas en Californie : le quartier est ainsi fait qu’un bel esprit peut encore compenser un défaut de musculature. Embrayez vite fait sur une discussion sur le dualisme. René Descartes en a formalisé l’existence en soutenant que l’esprit est une substance immatérielle assimilée à la conscience, indépendant du corps. Brodez à loisir autour de ce concept, fascinez votre auditoire et tenez bon. Vous n’en aurez plus pour très longtemps à pérorer. La situation géographique de Paris étant ce qu’elle est, il vous restera au pire trois petits mois à traverser avant de vous remettre à boulotter, planqué sous votre imperméable.
Anaïs Ferrand