Saint-Germain-des-Prés est un quartier snob, c’est vrai… Vous aussi, soyez la quintessence de ce Parisien légèrement agaçant mais qui fait tant rêver…
- 1. Ne saluez jamais quelqu’un en premier. L’habitant du sixième aime avoir l’ascendant. L’une de ses règles d’or ? Ne jamais reconnaître une personne avant que celle-ci ne se soit avancée vers lui. Cela instaure alors un subtil rapport de force en sa faveur. En pratique : c’est à qui dégaine un bonjour en… dernier. L’attitude se travaille. Si vous croisez une connaissance dans la rue, plissez les yeux et regardez au loin, comme si vous étiez absent à vous-même. On doit vous mériter pour vous approcher.
- 2. Quand on vous demande où vous habitez, bannissez les mots « sixième arrondissement » qui font plouc et contractez au maximum l’information de poids que vous livrerez. Répondez sobrement – non sans avoir marqué un petit temps de fausse pudeur – « Le 6 ». À 13 000 € du mètre carré en moyenne, croyez-nous, vous ferez votre petit effet.
- 3. Au rayon courses alimentaires, restez ferme sur les principes de base. Auchan ? Une enseigne dont vous avez déjà entendu parler, pas plus. Carrefour City ? Une légende urbaine que vous ignorez. L’épicerie du Bon Marché et son panier de la ménagère à 300 € minimum ? Voilà, merci, c’est bien là votre QG pour acheter les ingrédients de première nécessité. Quoi, ça n’existe pas dans les autres arrondissements ? Feignez la surprise tout en arborant un petit air de pitié.
- 4. Employez à gogo l’expression « on va chez Casto ». Si certains nigauds hors les murs pensent que vous parlez de l’enseigne Castorama, tant mieux, vous faites le tri. Car vous savez bien, vous, que vous donnez rendez-vous chez Castel.
- 5. « Flore », «Deux Magots » ou «Bonaparte » ? Une fois cette trilogie posée, réfléchissez un bon quinze minutes sans respirer, la mine grave, avant de livrer une réponse. C’est votre dilemme journalier. Votre croix. Et une problématique qui fera des envieux, bien sûr.
- 6. « J’ai horreur du shopping » doit être votre profession de foi. N’hésitez pas à pester contre l’invasion des touristes – acheteurs dans le quartier – et à regretter « la bohème », en brocardant à voix haute la société de consommation. Argumentez, même : « quand on habite ici, ça change en négatif la sociologie du lieu jadis réservé aux intellectuels ». Il va de soi que vous courez acheter vos sacs de luxe au Bon Marché, vos cashmeres chez Victoire et vos escarpins rue de Grenelle, en toute discrétion. Officiellement, vous êtes au-dessus de ça. Officieusement, vous claquez tout votre salaire à la boutique Margiella. Mais qui doit savoir ça ? Personne.
Allez, à bientôt dans le « 6 » et cessez de nous remercier pour ces tuyaux, vous allez faire province.
Anaïs Ferrand