L’un est grand et brun et a une sorte d’élégance, c’est Frédéric. L’autre est grand et brun, et a une sorte d’élégance, c’est Nicolas. Depuis un moment, ces deux-là boivent le petit lait de la vie germanopratine, l’un avant l’autre quand même, selon un ordre chronologique rassurant. Mais aujourd’hui la gloire les frappe au même titre, à part égale quasiment. Une gloire de ménagère de moins de cinquante ans. Car oui, les femmes aiment leurs cashmeres triple fil et leurs bons mots. D’ailleurs, les sommerait-on d’en choisir un des deux qu’elles feraient comme dans les meilleurs rayons du Bon Marché… elles hésiteraient. Et auraient raison. Le mieux, c’est encore quand ils vont par paire. De toutes façons, en amour, on les sait un peu semblables, à la fois dispendieux et élitistes, avec pour point commun d’aimer les miss Météo de Canal Plus, ces jolies filles impertinentes, comme castées sur-mesure pour leur plaire. Pour les retenir, on imagine que mieux vaut leurs faire faux bond. Quoi qu’il en soit, on n’est pas au Flore, au Montana ou dans l’arrondissement même, si l’hiver on ne croise pas leurs longues gabardines bourgeoises qui accompagnent nonchalamment une jeune beauté. Et on ne connaît rien de plus enivrant que de parler d’eux, de leurs travers, de leur esprit, de leurs frasques. Tant ils veillent à alimenter leur réputation. Dans un temps où les coteries littéraires se font autour d’une table basse de bar, où les amitiés ont pour bruit de fond les boîtes de nuit, ils ont la puissance des Gatsby parisiens. Mais qui se ressemble finit par se désunir. Un peu fâchés, un peu outrés, un peu divisés pour mieux régner, depuis peu, au fil d’escarmouches médiatiques, ils font Saint-Germain à part. Ces temps-ci, on fera donc bien attention à les distinguer l’un de l’autre. Ils ont beau être de la même famille. Chuuut, ils ne veulent pas qu’on le leur dise.
Anaïs Ferrand