Entre coups littéraires et ventes au long cours, fabrique de best-sellers et livres pour happy few, le monde de l’édition fascine toujours autant. Rencontre avec un homme de l’art, Laurent Laffont, qui préside aux heureuses destinées des éditions JC Lattès.
C’est dans son bureau de la rue Jacob, d’où par beau temps on peut entrevoir un Prix Nobel arroser ses plantes vertes, que me reçoit Laurent Laffont, l’homme au gouvernail de Lattès : la maison d’édition qui fait autant envie que parler. Il est vrai que le nom de Lattès à lui tout seul est un roman. Repris, il y a plusieurs années par Isabelle et Laurent Laffont, la maison d’édition enchaîne les succès hautement visibles. Le Da Vinci Code, c’est déjà eux et Cinquante nuances de Grey, c’est toujours eux. Mais attention, la cime éclatante de l’iceberg n’est pas la seule à briller. Pour Laurent, être éditeur aujourd’hui, c’est savoir mettre en lumière aussi bien le talent de romanciers comme Grégoire Delacourt ou Delphine de Vigan, que de pressentir ce que va être la littérature de demain. Avec éclectisme comme maître mot. À l’instar de ce roman, Je suis là, d’une toute jeune auteure Clélie Avit, qui a déjà reçu le prix Nouveau Talent, et qui promet beaucoup. Il faut dire que le coup de nez littéraire, chez les Laffont, c’est de famille. C’est le père, Robert qui crée la mythique maison au nom éponyme et c’est Isabelle, sa fille, qui découvre Dan Brown, et c’est encore Anne, son autre fille, qui, sous le nom de Carrière, fera connaître un certain Paulo Coelho. Bref, le best-seller, c’est dans l’ADN des Laffont. L’exigence aussi. Car réussir un livre, comme le souligne Laurent Laffont, c’est ne rien laisser au hasard : de la qualité du texte, où le savoir-lire de l’éditeur est essentiel, jusqu’au choix précis et réfléchi de la couverture, son cheval de bataille. C’est sans doute pour ça que les éditions JC Lattes ont fait un bond de 67 % en 2012, ce qui leur donne une place de choix au sein des éditions Hachette dont ils sont un des fleurons. Une progression, hors pair, que le directeur général de Lattès veut encore étendre. En particulier avec la réputée collection Le Masque, adulée des amateurs d’Agatha Christie et dont les nouvelles publications pourraient bien nous surprendre, ou par la découverte de nouveaux auteurs pour la partie roman historique. Le ton calme, le sourire aisé, la parole convaincue, Laurent Laffont regarde vers l’avenir.
Tous les matins, il traverse à pied le jardin du Palais Royal, passe la Seine, jusqu’à la rue Jacob. Jusqu’à ce bureau où convergent les manuscrits. Et quand il ouvre la première page, il pense toujours au titre évocateur de l’essai de Nicolas Bouzou dont il a fait son slogan : « On entend l’arbre tomber, mais pas la forêt pousser ». Comprenez, que le métier d’éditeur c’est bien sûr d’entendre cette forêt… et si possible avant les autres ! CQFD.
Carole Fernandez