La tour se dressait à l’emplacement de L’Institut de France, 23, quai de Conti à Paris.

 

 

Les touristes qui se prennent en selfie devant la coupole dorée de l’Académie française ignorent souvent que, dans ce décor de carte postale, se dressait la ténébreuse tour de Nesle, théâtre du plus fameux scandale du Moyen Âge.

Le premier s’appelait Louis, on le disait impulsif, colérique et, à voix basse, on ajoutait qu’il ne brillait guère par ses performances au lit. Le deuxième s’appelait Philippe, il était grand, voûté, taciturne, vieux avant d’être jeune. Le troisième s’appelait Charles, on l’aimait jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche : ensuite on finissait par lui préférer ses frères. Bref, un tiercé perdant pour la France, car Louis, Philippe et Charles, en cette belle année 1314, sont les héritiers successifs du trône, des rois en puissance. Autant dire de beaux partis attirant les plus belles et fortunées princesses d’Europe. Et, dans cette course à la couronne, c’est la famille de Bourgogne qui emporte le gros lot, car elle réussit à marier trois de ses filles – Marguerite, Jeanne et Blanche – aux trois fils du roi. Un carton plein. Bien sûr, une fois à Paris, les jeunes princesses, découvrant leurs royaux époux, déchantent rapidement. Alors pour oublier leurs déconvenues maritales, Marguerite, Jeanne et Blanche, prennent leurs quartiers Rive Gauche, dans la tour de Nesle. En quelques mois, la vieille tour devient le lieu de tous les plaisirs : on y chante les airs à la mode, on y joue des scènes de théâtre, on y organise des défilés de mode et surtout, on y reçoit deux frères, brillants comme le soleil et beaux comme l’azur, Philippe et Gautier d’Aulnay. Deux ritournelles et trois pas de danse plus tard, Marguerite et Philippe, Blanche et Gauthier, filent le parfait adultère. Quant à Jeanne, elle tient une chandelle complice. Sans doute pas assez, car au printemps 1314, le scandale éclate : deux des fils de France ne sont que de vulgaires cocus ! Si les princesses disparaissent en prison, pour qu’on oublie jusqu’à leur nom, il faut, en revanche, un châtiment exemplaire pour les deux amants qui ont osé déshonorer le royaume. Ainsi, 19 avril 1314, devant une foule chauffée à blanc, Gauthier et Philippe seront démembrés, écorchés et émasculés vivants avant d’être ébouillantés au plomb, puis décapités. Qui dit mieux ?

Jean Acacio