Aux confins du Maroc sud-oriental, là où s’étiolent les derniers décibels pour tendre vers le silence absolu, là où ondule un sable d’une couleur à faire se pâmer le terrassier en chef de Roland-Garros, était jadis un homme doué pour le négoce. Il conduisait un dromadaire, sur la bosse duquel était posé un touriste. Moi. Nous progressions en direction d’une improbable oasis quand il ordonna une halte, me fit descendre de la monture et s’assit à flanc de dune. De sa gandoura bleue, il sortit un linge blanc qui contenait du papier journal qu’il déplia avec délicatesse, libérant des pierres fossilisées, polies et transformées en cendriers.
Son français était comme mon arabe, ultra perfectible, mais je compris l’essentiel : le trésor est à vendre.
« Bch-rhal ? » (« Combien ? »)
Par respect pour la coutume locale, je marchandai. Le Touareg sourit, me fixa, inspira et, soignant l’articulation, misa tout sur la phonétique : « Sizirmindipri… »
Je n’eus pas à lui faire répéter. J’avais compris : l’argument de vente consistait à faire référence à Saint-Germain-des-Prés. Ce faisant, il positionnait le quartier pour ce qu’il est : une marque universelle, gage de luxe et de beauté, l’agrégat de l’élégance et du savoir-vivre, le synonyme du bon goût, la référence punk du privilège ultime. Je cessai immédiatement mon marchandage.
Depuis, à la maison, il y a deux cendriers : l’un de Merzouga-des-Prés, l’autre de Saint-Germain-des-Sables.