Derrière ces bâtiments datant des XVIIe et XIXe siècles et sa situation culturelle et historique exceptionnelles se cachent autant de secrets, mutations, trésors… Enquête sur une institution haute en couleurs.
L’Italie à Paris
Parmi les lieux les plus méconnus des Beaux-Arts, la palme revient sans doute à la cour des Mûriers : un patio, tout de rose vêtu, agrémenté d’une fontaine de style Renaissance et délicatement ombragé d’arbres, qui est comme une enclave de Toscane en Rive Gauche. Un authentique parfum d’Italie souffle sur cette cour et bien des cinéastes ne s’y sont pas trompés. Une scène à placer à Rome ou à Florence ? Direction la cour des Mûriers. L’illusion est parfaite et surtout quelle économie dans le budget !
Oubli ou absence ?
C’est seulement en 1862 que la direction des Beaux-Arts s’aperçut que cette prestigieuse institution ne disposait d’aucune bibliothèque. Pire encore, prévue dans les plans d’origine, elle s’était volatilisée pendant la construction. Et personne ne s’en était ému : on avait simplement pris l’habitude de déposer les archives dans la bibliothèque voisine de l’Institut. Deux ans plus tard, une bibliothèque était enfin construite, les archives restituées. Sauf que les mauvaises langues prétendent qu’avant de les rendre, l’Institut y aurait procédé à un discret tri sélectif, gardant les plus belles pièces en sa faveur.
Sous les pavés, la police
Toujours rebelles, les étudiant des Beaux-Arts ignorent pourtant que l’institution, dont ils sont si fiers, fut bâtie à l’adresse même du ministère de la Police sous le Directoire et l’Empire. C’est entre ses murs que régnait le légendaire Fouché, qui porta l’art ténébreux de la police politique à son sommet. D’ailleurs, ne dit-on pas que son fantôme erre toujours à la recherche de son ministère disparu ? De quoi provoquer encore des cauchemars à bien des étudiants.
Musée or not musée ?
Les chiffres donnent le tournis. Près de 2 000 peintures, 4 000 sculptures. Pas moins de 10 000 dessins, 100 000 gravures. Des noms à faire s’évanouir de jalousie n’importe quel conservateur : Poussin, Dürer, David, Michel-Ange… jusqu’à Alechinsky. Mais malheureusement, faute de place, il n’y a aucun moyen d’exposer durablement ces trésors que l’on ne peut voir que lors de trop rares expositions temporaires. Une consolation ? Visitez donc la Chapelle des Beaux-Arts, vous y trouverez les plus grands noms, les plus grandes œuvres de la sculpture européenne sauf que pour la plupart, ce ne sont que des faux ! Des copies qui servent de modèle pour les étudiants. Vous avez dit, déçu ?
Progressistes, oui, mais malin !
En 1968, quand la révolte gronde entre le boulevard Saint-Michel et les quais de Seine, Malraux, dans un geste en direction de la jeunesse en rébellion, décide de briser l’ancestral structure des Beaux-Arts, rigidement répartie en peinture, sculpture, gravure et architecture, en huit nouvelles sections largement ouvertes sur l’art contemporain. Unanimement saluée comme un progrès, cette noble mesure était aussi, et surtout, un véritable coup politique : désormais, les étudiants allaient se répartir en huit filières différentes, de quoi habilement fragmenter la contestation pour mieux l’éteindre. Diviser pour mieux régner, Malraux savait aussi agir en Machiavel.
De l’art d’essaimer
La question du manque de place, dans l’enceinte des Beaux-Arts, a toujours été un des problèmes majeurs de la vénérable institution. Pour pallier cette difficulté, les professeurs de l’école décidèrent de recevoir leurs élèves dans leurs propres ateliers, situés le plus souvent dans les rues adjacentes. Si les étudiants prirent l’habitude d’étudier chez leur maîtres, les amateurs d’art prirent aussi le chemin de la Rive Gauche pour visiter ces ateliers à la création foisonnante. Peu à peu, nombre d’ateliers se muèrent en galeries d’art que l’on retrouve aujourd’hui, en force, de la rue de Seine à la rue Visconti et qui font de cette enclave, mythique de Saint-Germain, un des plus hauts lieux du marché international de l’Art.